Elle avait contenu tellement de secrets, d’amours, de surprises et d’espoirs. Son cuir usé en témoignait.
Mathurin avait adoré son métier mais, depuis le mois de juillet, il en avait perdu le goût. Avant il se promenait de maison en maison, apportant des journaux, les nouvelles des enfants partis à la ville, les invitations aux mariages. Il lui arrivait même de s’arrêter comme ça, pour le plaisir de papoter, il était toujours bien accueilli, souvent on lui offrait un petit verre.
Maintenant, il avait un peu honte, il passait furtivement dans le village. Bien sûr les destinataires à qui il remettait les rares lettres étaient heureux, un courrier signifiait la vie, pour combien de temps encore ? Il y avait toutes les autres maisons, celles qui attendaient, il n’osait plus s’y arrêter pour ne pas donner de fausses joies. Et puis il y avait celles, de plus en plus nombreuses qui ne recevraient plus rien et le savaient.
Alors sa tournée lui laissait une indicible amertume au cœur, surtout qu’il savait d’expérience combien les pauvres missives qu’il transportait étaient menteuses.
Personne n’ose écrire à ses proches l’effroyable horreur de la guerre.
Cathy